Selon moi, celui-ci est au centre des deux films en question et ne se trouve pas seulement au début. Dans ces plans entre les séquences, nous suivons les déplacements des personnages. Ils constituent la clef pour aller au-delà du film. Il nous est alors offert la possibilité de réfléchir à un monde antique dont la ville de Shin Fen devient le symbole violé des logiques du monde moderne, puis anéanti par les mécanismes de la contemporanéité.
Pour accomplir mon travail, je citerai les scènes qui illustrent le mieux cet aspect et je chercherai à étudier comment Hou Hsiao Hsien véhicule le sentiment de déracinement à travers les techniques de la mise en scène. Je démontrerai comment deux films démarrent par des plans identiques au niveau de leur construction et qui révèlent toutefois des différences internes. Les personnages du film vont et viennent rythmiquement de Taipei au village natal.
Le film se conclut précisément sur le retour à la maison du jeune A Yuan après le service militaire. Dans Goodbye south, goodbye, au contraire, le déplacement retrace une trajectoire circulaire. Je reviendrai sur ce point plus tard. La lumière va et vient dans une alternance clair-obscur due aux passages dans des tunnels.
Les coups de coeur des bibliothécaires - Poussières dans le vent
Nous retrouverons cette alternance dans Goodbye south, goodbye. Celle-ci envahit les deux films du début à la fin en suivant les sentiments des personnages. Au premier plan, les deux personnages du film en pied. Elle, porte une jupe bleue à plis et une chemisette blanche, très classique. Nous étions restés au bruit du train pendant le générique. Nous sommes de nouveau sur le train, sur le même train, au milieu des mêmes sièges verts.
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Les personnages que nous voyons ont changé. Kao, au premier plan, porte une chemise ouverte, un collier voyant et des lunettes de soleil. De nouveau un travelling en caméra subjective sur les rails du train, exactement comme le début de Poussières dans le vent.
Notice bibliographique
Mais cette fois ci, en arrière. Fondu noir. Un autre retour, dans le même village. Partons de cette phrase pour arriver à découvrir où A Yuan veut retourner et ce que signifie ce retour. Cela est souligné par la confrontation directe des vies des deux jeunes hommes dans les deux situations. Quand A Yuan et A Yun sont à Taipei, on les voit en difficulté, on les voit enfermés dans leurs lieux de travail, sombres et petits.
Les deux sont souvent séparés et quand ils se rencontrent rapidement, une grosse grille en fer les sépare et qui enferme A Yun dans un involontaire emprisonnement de son travail. Hou Hsiao Hsien se sert de la mise en scène pour renforcer ces idées. A un certain moment, nous voyons, dans le cadre, le groupe assis à la table, chanter une chanson. A Yuan est assis au centre, face au spectateur, entouré des corps des autres que nous voyons de dos ou cachés, ils ferment le cadrage autour de lui.
Les amis sont dans le cadrage, mais de dos. Lui est le seul dont on voit le visage. Cette composition du cadre pousse le spectateur à associer la chanson au jeune protagoniste.
Lian lian feng chen | 戀戀風塵
En opposition, le village, malgré ses défauts, est le lieu de la collectivité, de la collaboration. La caméra revient souvent sur un point, près des escaliers de la maison de A Yuan desquels on aperçoit une petite place. La simplicité de cet espace intime, comme un berceau, le rythme lent des personnes qui se déplacent, donnent une toute autre impression par rapport à Taipei.
Il est important de souligner que la campagne est le lieu où le grand-père est le protagoniste. Il est lié à sa terre par son champ de patates comme à son passé par le culte des ancêtres. Il est le gardien de leurs rites. Il représente un monde que la génération de son fils a trahi. Le grand-père représente le monde ancien et reflète la Chine à travers son bagage de culture. Dans cette optique, nous pouvons relire quelques scènes-clefs du film qui autrement resteraient plutôt obscures.
Dans un premier temps, la scène dans laquelle, pendant le service militaire, une famille de pêcheurs est accueillie à la base. Il retrouve les traditions, le taôisme, la fête des fantômes, et il se libère du briquet, le don du père. Nous pouvons également interpréter la scène finale du film : à son retour à la maison, A Yuan rencontre son grand-père. Cette politesse est précieuse. Ils sont contraints au mouvement. Eux voudraient que ce mouvement soit vertical : du Sud au Nord, de la pauvreté à la richesse.
Mais en réalité, leur déplacement se révèle être renfermé sur lui-même, circulaire.
À propos de Rêves de poussière
Au contraire, cette réalité est le présent de Taiwan. Ce contexte génère le désir de fuite qui implique, presque nécessairement, un but, un horizon dans lequel le rêve puisse trouver finalement la matière avec laquelle prendre une forme concrète. Cet horizon, pour les personnages du film comme pour les habitants de Taiwan, est la Chine. Toutefois, quitter le sud voudrait dire laisser sa propre terre, partir comme émigrant, défier la chance. Reprenons le film à la fin de la première séquence. Le train qui avait ouvert la séquence initiale, à présent la referme.
Nous sommes sur les rails, en caméra subjective, dans un long plan séquence dans lequel nous voyons le paysage défilé par en dessous, au dessus, à côté de nous. Un jour, A Yuan décide de partir à Taipei pour y trouver du travail et suivre les cours du soir. A Yun le rejoint peu de temps après. Ils se familiarisent petit à petit à leur nouvelle vie dans la capitale, tout en revenant de temps en temps dans leur village natal.

Mon travail de cinéaste est simplement de saisir le sentiment qui émane de ce que je filme. Réalisé en , Poussières dans le vent clôt le cycle dit autobiographique de Hou Hsiao-hsien, bien que cette histoire soit en réalité inspirée de la jeunesse de Wu Nien-jen, son co-scénariste, de sept ans son cadet. Comme à son habitude, Hou Hsiao-hsien fait jongler ses personnages entre la campagne et la ville.